Ladyrédac, le rédacteur
a-t-il des questions morales ?
Hello les amis ! vous êtes nombreux à ne pas poser cette question sur les états d’âme et je ne vous en félicite pas. Heureusement, une petite nouvelle dans le groupe Facebook, avec sa fraîcheur d’admise au bal des débutantes a eu la belle idée de poser cette question essentielle.
Oui, un rédacteur a parfois des états d’âme.
Mais, oui, bien sûr, un rédacteur a des états d’âme ! Imaginez ! il doit écrire à longueur de journée : « prenez mon plomb pour de l’or et mes vessies pour des lanternes ! » afin de rendre le produit désirable, même quand il ne l’est pas, mais alors, pas du tout !
Le héros de 99 francs avait de quoi péter les plombs, pourtant, lui au moins il était bien payé. Sa créativité était même payée au prix fort.
Le rédacteur est un homme, ou une femme, avec des idées et des convictions. Par exemple, s’il est végétarien, il ne faut pas lui demander de faire la promotion des raviolis au bœuf ou de la viande charolaise. Même s’il est payé pour ça ? Oui.
C’est pourquoi les rédacteurs ont des domaines de compétences.
Par exemple, je ne sais pas parler de motoculture ou de sport. Mais en plus, je ne voudrais pas valoriser des aliments industriels.
Bon, je suis compétente en médical, psy et bien-être, luxe, gastronomie, criminologie, ça fait déjà beaucoup !
Exemple dans mes domaines de compétences.
Du coup, en plus de vanter les mérites de tel médicament qu’il vaudrait mieux ne pas prendre, je récupère tous les psy timbrés. La première de mes psy offrait des services en ligne. Elle avait une longueur d’avance, tout allait bien. Mais depuis, j’écris pour des psy sortis de la cuisse de Jupiter, ni freudiens, ni lacaniens, bien au-dessus des écoles et chapelles classiques. Mais est-ce à moi de juger de l’orthodoxie des pratiques, et de faire respecter (à mon niveau) une déontologie qui m’importe peu. Je dois donc faire la promotion des psy perchés, aux méthodes pour le moins « contre-culture » ou même carrément pop. Je ne dis que mes psy loufoques, genre docteur Maboul chez les baba-cools, s’ils ne font pas de bien, ils ne font pas de mal, et il se peut même que leurs méthodes extravagantes produisent un effet placebo ! Après tout Tobby Nathan explique comment, ailleurs, le sacrifice d’une poule a valeur de psychothérapie. Parce que des années à se raconter sans résultat sur le divan d’un Lacanien pur jus a de quoi désespérer. C’est qu’elles aussi, mes psy loufoques, ( ce sont généralement des femmes ) ont des opinions. Elles ne pensent pas (seulement) à gagner des thunes, elles ont des convictions et des clients qui vont mieux.
Nous sommes rédacteurs, pas juges.
Est-ce vraiment à nous, rédacteurs de juger ce que font nos clients ? Pouvons-nous légitimement les classer du côté du bien ou du mal ? J’ai appris à regarder les méthodes des psy en tout genre avec bienveillance. Si leurs clients y trouvent leur compte, je n’ai pas à juger à l’aune de mes critères.
Bon, il y a tout de même des limites. J’ai été confrontée, dans le cadre d’articles sur la perte de poids, à un client déraisonnable. Il voulait me faire écrire que sa méthode permettait de perdre 15 KG. Avec ce que l’on sait là-dessus maintenant, je ne pouvais pas cautionner une telle allégation. Je me suis arrangée pour parler d’une perte de poids indéterminée, sans préciser. Mais bon, « ça passe ou ça casse »
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Je suis à peu près sûre que je ne pourrais pas faire l’éloge d’un cassoulet en boîte de conserve ou de raviolis pseudo-gastronomiques que je ne voudrais pas manger. Dans ce cas, je refuserais le client, et pas seulement par vertu. Je refuserais moins parce que je ne peux pas conseiller à mes concitoyens des produits néfastes à leur santé, que parce que je serais mauvaise. Je ne saurais pas chanter les louanges d’un atroce cocktails d’ingrédients industriels.
La liberté morale du rédacteur est un luxe. C’est d’abord une question de carnet de commandes et de trésorerie. Au même titre qu’un publicitaire, le rédacteur a-t-il les moyens de ses ambitions morales ? La question est-celle de l’idéologie qui se heurte au principe de réalité. C’est l’écueil de tout socialiste accédant au pouvoir. Dans cet exemple, notons que trahir ses convictions n’a réussi à personne. Conclusion, je vous laisse juge « en votre âme et conscience ».
Je vous entends d’ici : « non mais oh Lady rédac, avec ta philo à deux balles, tu nous laisses sur notre faim, face à la question ».
Et moi : l’essentiel est de se poser la question, la réponse viendra au cas par cas.