
Lu sur les plateformes de rédacteurs.
( je laisse délibérément les fautes des clients. )
Ce que l’on comprend en lisant les consignes des clients de plateforme c’est qu’ils ne s’attendent pas à trouver des professionnels. Probablement qu’ils ont confié de précédents articles à des rédacteurs incompétents. Donc, ils s’attendent au pire : jargon, langage SMS, champ lexical inadapté. D’où les morceaux d’anthologie rapportés ici.
Un rédacteur connaît les contraintes du métier.
L’ennui, c’est que sur les plateformes à peu près n’importe qui peut s’improviser rédacteur. Exemple de profils choisis pour des articles de cosmétique :
« La cosmétique bio fait partie intégrante de mon quotidien de femme, je suis très intéressée par ce sujet. Je serai heureuse de collaborer avec vous sur ce projet !»
« je suis moi meme une adepte de cosmétique bio, j’en utilise et j’aime écrire sur ce sujet, j’ai déjà lu plusieurs magazines, blogs, qui traite du sujet. je saurais mettre mon expertise a votre service, trouver les bon mots et ainsi optimiser votre société. »
N’importe nawak !
Que connaissent-ils à l’affaire ?
En quoi ces profils seraient-ils qualifiés pour rédiger des textes ?
C’est d’autant plus absurde qu’un rédacteur de plateforme est bien moins payé qu’une baby-sitter sans qualification.
Bien sûr, le rédacteur attend de son client qu’il donne une feuille de route, ou au minimum une direction. Le rédacteur sait que si le client n’arrive pas à dire ce qu’il attend, il risque d’être insatisfait du résultat. Donc, à moins de très, très bien le connaître, le rédacteur préfère obtenir des informations sur le lectorat, les préférences du client concernant le fond, la forme, le ton, les mots clefs, bref, un cahier des charges sérieux et cohérent.
Sur les plateformes, clients et rédacteurs ne se connaissent pas, ils sont désignés par des codes et ne peuvent pas échanger de vive voix. Alors, à la place d’un échange entre le rédacteur et sont client, il y a des consignes qui se résument parfois à trois mots. Les petits entrepreneurs n’ont en général aucune idée de ce qu’ils veulent ou de ce qu’ils leur faut. Là, donc intervient le savoir-faire du rédacteur pour conseiller et servir son client.
Les consignes des paragraphes suivants proviennent d’agences de communication qui empochent les budgets des grandes marques, y compris de marques du luxe, pour sous-traiter le travail à bas coût.
Exemple : consignes aux rédacteurs amateurs.
Ligne éditoriale :
• La réponse à la question doit se trouver dans le premier paragraphe
• Le langage courant doit donc être privilégié (pas de jargon, pas de terme technique non expliqué, pas de langage soutenu, châtié ou trop familier, pas de langage SMS…).
• Ne pas être trop littéraire • Avoir des textes impactant, dynamiques précis et efficaces • Grâce à des phrases courtes et des formules interrogatives, nous devons interpeller, toucher et créer de la connivence entre la marque et nos clients.
• Nos propos doivent toujours avoir du sens et de l’intérêt. Nous n’écrivons pas pour meubler, vérifions donc toujours la pertinence de ce que nous disons.
• Véhiculez une « image d’expert ».
• Ecrire de manière à ce qu’un internaute lambda comprenne l’article. • Vérifier toutes les informations
• N’hésitez pas à inclure des recettes du site lorsque la thématique s’y prête
• Ne pas modifier les titres
J’adore ce genre de consignes pour rédacteurs degré zéro, insultantes quand elles sont adressées à des rédacteurs professionnels. Mais alors, il faut croire que l’auteur de ces consignes est un utilisateur averti des plateformes. Il sait qu’il y a peu de professionnels parmi les candidats rédacteurs.
Surtout n’écrivez pas « bien » ! Ecrivez pour être lu du plus grand nombre ! et comme les journalistes, n’utilisez pas un vocabulaire de plus de 500 mots.
Donc, ne soyez pas trop ceci, ou trop cela,
mais véhiculez une image d’expert et touchez le lecteur.
Tout ça pour 6,13 euros les 400 mots et pour de la bouffe industrielle en boîte, même qu’on dirait de la pâtée pour chats ! Bon, ce n’est pas moi qui pondra ce chef-d’œuvre de web-littérature pour la rubrique : gastronomie du pauvre des papilles.
Ou alors, exemple N° 2 : L’obsédée du champ lexical ( qui va de soi ).
On pourrait croire que les clients ne sont pas exigeants sur des plateformes, avec des rédacteurs payés au lance-pierres… Mais non ! Certains clients n’hésitent pas à demander beaucoup !
Vous avez carte blanche sur le contenu et son organisation en fonction de vos idées et vos trouvailles.
Vous trouverez de nombreuses ressources sur le web.
Objectifs :
Donner une information précise et structurée sur le sujet en utilisant un champ lexical riche lié à cette thématique. Faire néanmoins attention aux répétitions et varier le champ lexical avec des cooccurrences etc.
Fond & forme :
Formuler un bon titre pour l’article, bien percutant ainsi que de bons sous-titres pour les sous parties.
- Chapô / introduction
- Texte :
Le texte devra comprendre différentes parties bien distinctes avec des titres pour ces parties. Elles même seront composées de paragraphes et sous partie / sous titres si nécessaires
Plusieurs paragraphes par partie & une idée par paragraphe et par partie
- conclusion
Ton & Style :
Informatif mais pas ennuyant en utilisant un angle d’approche, un ton original et un style fluide et vivant.
Le texte doit être structuré, fluide et rythmé, agréable à lire…. éviter les suites de descriptions plates.
Il doit respecter les règles de l’écriture web sur le fonds comme sur la forme.
Attention de ne pas utiliser des métaphores ou images qui ont pour risque de s’écarter du champ lexical et d’aborder souvent la sémantique d’une thématique sans aucun lien avec celle traitée.
Le vocabulaire utilisé doit être en priorité celui de la thématique et reprendre son champ lexical
Privilégiant de très loin la qualité à la rapidité, je propose un long délai pour que je puisse ensuite si besoin de correctifs en avoir une version définitive et validée pour le lendemain…
Encore une qui prend le rédacteur pour un idiot capable d’écrire avec un champ lexical hors sujet ! Rédacteurs, vous avez carte blanche ! mais…
Tant d’injonctions contradictoires !
Rédigez un texte vivant sur un ton original qui respecte l’écriture web sur le fond et sur la forme, bref, un texte passe-partout, sur un sujet très banal.
Ne vous écartez pas du sujet mais variez le champ lexical avec « des cooccurrences ».
Tu l’aurais dit aussi à Proust, ça ? et si tu l’écrivais toi-même, ton article de blog à 3 euros six sous ?
Le rédacteur, et la langue dans l’air du temps.
On apprend aussi les évolutions de la langue, du genre « technicienne de surface » pour femme de ménage. Mais on apprend tous les jours. Par hasard, en donnant une bague à réparer, j’ai lu avec une certaine stupeur sur le bon de commande du SAV de Chanel joaillerie, cette cooccurrence fantaisiste : « bijou de doigt ». Par ce tour de passe-passe sémantique ma bague ( reçue pour la Saint-Valentin 1997 ) a pris un coup de jeune, la voilà promue « bijou de doigt » !
En voilà, une belle cooccurrence ! Je vais pouvoir la recaser celle-là !
En matière de vocabulaire, la mode est aux anglicismes et aux abréviations, mais attention ! ce qu’une trentenaire diplômée comprend risque de nécessiter un décodeur chez Madame Trucmuche. Alors les agences de communication précisent « pas de jargon » parce qu’elles souhaitent généralement des textes compréhensibles par Madame Trucmuche dont le pouvoir d’achat n’est pas négligeable.
Un rédacteur connaît même le fashion langue de Loïc Prigent !
« Tu dis pas ridicule tu dis unique
Tu dis pas moche tu dis étonnant.
Tu dis pas vieux tu dis classique
Tu dis pas con tu dis jeune »
Ce que j’ai accepté sur les plateformes de rédacteurs, par défi, pas par appât du gain bien sûr !
Merci de faire la description pour le produit 95.
Vous trouverez la description du produit dans le tableau excel suivant:
Nom du produit: Culotte X
Description courte: 30 mots, description longue différente de la description courte: 60 mots.
Les mots « romantique » et « nœud » sont interdits . De nombreux produits sont assez similaires ou ne diffèrent que par la matière, la forme ou le modèle. Il est donc impératif que chaque description soit unique, soyez imaginatif, le plagiat ou copier-coller ne seront pas accepté. Si les consignes ne sont pas respectées, je refuserai le texte.
Payé 1, 94 euros.
La culotte X ne s’adapte pas à la température du corps pour nous garder les fesses au frais. Elle n’est pas bourrée de capteurs et connectée pour nous renseigner sur nos taux d’œstrogènes, de progestérone, de LH, ou de FSH.
Le rédacteur serait bien en peine de renseigner le client ( une fiche produit ça sert à ça ) car il ne sait rien de la matière. Elle est en tulle extensible, mais bon, sur la composition des fibres : le trou noir. La culotte basique est doublée à l’entrejambe ( c’est bien la moindre des choses ). Elle est ornée d’un nœud sur le devant mais on n’a pas le droit d’écrire ce mot. A moins d’utiliser la pompeuse co-occurrence « ornement en ruban de satin », impossible d’en parler. Mais il faut produire 90 mots sur cette satanée culotte, une description en 30 mots, et une description complètement différente de la première en 60 mots. L’art du rédacteur consiste souvent à écrire pour ne rien dire.